JEAN CHIEYSSAL

ÉLOGE
PAR ANDRÉ CATILLON, BEAU-FRÈRE DE JEAN

Cher Jean,

Oui, aujourd'hui, c'est à toi que je m'adresse car, pour moi, tu es toujours présent.
Cela fait plus de 70 ans que nous avons commencé à cheminer ensemble.

Ceci a débuté avec nos années au collège technique où tu étais le roi de I'atelier.
Quel mérite avais-tu faisant des aller-retour entre Versailles et I'Est de Paris et t'appliquant à faire tes devoirs chaque soir. Nous étions assis côte à côte sur les bancs de cette école. Je me souviens quand, lors des exercices de maths, nous comparions nos résultats: le prof nous rappelait à I'ordre discrètement mais il savait que l'on ne copiait pas !
Un signe de notre amitié, c'est l'accueil de Jean par mes parents pour le déjeuner de midi chez nous, pendant une semaine, car Jean avait été interdit de cantine en punition pour un geste déplacé envers un surveillant. (Ce n'était pourtant pas ton genre)

Et nous voilà tous les deux reçus aux Arts et Métiers à Aix avec les Traditions qui ont forgé cette Fratemité de la Promo qui se manifeste encore, toujours aussi vivante.
Les sorties ensemble, les vieilles voitures au sein de la Provence, tout ceci était partagé.
Printemps 1954, en route pour I'ltalie en scooter, en camping sauvage: Florence,. Assise, Rome à Pâques avec la bénédiction Urbi et Orbi par le Pape Pie Xll, puis Naples, Capri, Venise. C'est aussi l'escalade de Sainte-Victoire par le tracé noir!

Le temps passe. Nous quittons Aix pour Paris et c'est le service militaire très dur pour toi. Tu n'as jamais voulu parler de ton séjour en Algérie et nous avons respecté ce silence.

Au fil des années, notre lien n'a jamais été rompu. En 1960, je reçois une lettre de toi m'invitant à ton mariage et en me nommant garçon d'honneur. C'est avec loie que j'ai accepté ce rôle en le partageant avec la soeur de la jeune mariée.
Au gré de nos pérégrinations géographiques, les retrouvailles ont été permanentes: Châtillon, la Celle Saint Cloud, La Baule, Bordeaux, la Charente, Toulouse, Mâcon, enfin, Marmande.

Tous ces bons moments ont été partagés avec Pierrette devenue mon épouse, avec nos enfants, joyeux de jouer avec Philippe et Pierre.

Grâce à tous ces souvenirs, Jean, tu resteras présent dans nos coeurs.


TÉMOIGNAGE DE DANIEL GÉRY

Notre Morp’s vient de nous quitter, usé par le temps.

Nous nous sommes rencontrés durant trois années scolaires, tous les matins sur le quai de la ligne n°2 au métro Montparnasse Bienvenue pour nous rendre au collège technique Dorian. Lui arrivait de Versailles par le train, moi de ma banlieue malakoffiotte par la ligne 14.
La ligne 2 nous amenait jusqu’à la Place de la Nation et le boulevard Philippe Auguste achevait le périple.
Idem pour le retour du soir, la fatigue du jour nous rendait moins loquaces.
Tous deux, nous poussions la lime, lui avec finesse : il limait droit ; un doué de la planéité.
Le dessin technique était sa passion ; un vrai Rubens du tire-ligne. Casse-cou aussi, je me souviens, lors d’un exam’s où nous devions déjeuner sur la planche, l’avoir vu ouvrir une boîte de sardines à l’huile à proximité du précieux canson.
Et puis, il y eut le concours des A&M, sous une chaleur insoutenable.
Pour ma part, malgré tous les efforts déployés et les nuits trop courtes de révision, le stress n’était pas au rendez-vous, persuadé qu’on verrait cela l’année prochaine ; il devait en être de même pour lui.
Et puis, le miracle eut lieu ainsi que pour Catillon et Chaudot.
Deux mois plus tard, nous en prenions pour trois ans à KIN.
Des années inoubliables de partage et de fraternité.
Puis nous nous sommes perdus de vue.
Plus tard, nous nous sommes brièvement retrouvés dans le cercle restreint des survivants du Collège Dorian ; c’était en 2010. Malgré les ans, il avait développé son amour de la mécanique ; Jean aimait travailler la matière, il devait adorer le crissement des copeaux.
Nos brèves retrouvailles ont réactivé dans ma mémoire les souvenirs communs des années, difficiles mais rayonnantes, de nos sept heureuses années d’études communes.

Ce soir, je suis triste, un peu de ma jeunesse vient de partir avec Jean.

Zakrok’s