Nous nous sommes retrouvés dans le car de Marseille, et nous avons ainsi débuté cette camaraderie, devenue amitié très profonde, au cours des 60 années qui allaient suivre……
Jérôme, profil type du Marseillais par son accent, la nature même de son verbe, et son charisme, s’est rapidement révélé comme un membre marquant de la promotion ; de plus, issu de la "sup" voisine de l’école, il était déjà imprégné des coutumes et des traditions dont naturellement il devint un fidèle soutien.
Nous nous souvenons tous de son déguisement lors de la récep’s d’octobre 1952 (il était Ali !), et surtout, pour faire plus vrai, de sa barbe rasée en éclairs lui zébrant les joues ….. ce rasage fut épique, car c’est très difficile et douloureux à réaliser !
Il devait rapidement concrétiser son insertion dans la promo en adhérant à des activités ou des strass diverses, et en particulier, il était devenu membre de l’U.A.I., dans l’équipe de foot d’abord, puis se révélait comme un supporter du Rub’s, et surtout du Volley, accompagnant et guidant cette équipe jusqu’en finale à Paris, couronnement d’une saison qui le vit désigné comme mascotte incontestable de cette équipe…
Gnasseur dévoué pour la réalisation de Grondinette, notre bête du carnaval 54,et toujours très "traditionnaliste", on l’a vu, entre autres, dans le fameux couloir sous-terrain devant la cité Luc, lors d’un des derniers bizutages de nos conscrits, agitant la célèbre tondeuse punitive au-dessus d’eux, en faisant tomber plein de cheveux (de crins et de fils divers) sur la chenille rampante qu’ils formaient dans le noir le plus opaque….
On se rappelle aussi avec émotion son excellente interprétation du "Turc" dans notre revue de fin d’année à KIN.
Son diplôme en poche, Jérôme se retrouve à Fréjus lors de son service militaire, à la base Aéronavale, et va participer bien involontairement le 2 décembre 1959 à la catastrophe du barrage de Malpasset; il y démontre toutes ses qualités humaines, en s’employant dans l’eau et dans la nuit, à récupérer et à réconforter ceux que la vague emportait à la mer et à la mort .
Après une carrière particulièrement réussie à la Régie Renault, Jérôme n'a pas hésité un instant: il s’est inscrit à la Sorbonne pour préparer un doctorat d’Italien ! Assidu et brillant aux cours, il jouait un rôle paternel et amical pour les étudiants qui lui étaient proches et attachés. Il franchit les différentes étapes de son cursus, et rédige sa thèse (sur un dramaturge Italien contemporain)…..Mais son directeur de thèse s’avère à la longue si peu coopérant et ouvert à son travail qu’il décide de ne pas continuer la publication de son mémoire, et de stopper son activité sur la dernière marche de l’édifice…
Tout Jérôme est condensé dans cet épisode de sa vie: ses décisions sont brutales et sans appel, car Jérôme était intransigeant. Quand, après mûre réflexion, il avait pris la décision de retenir une idée, il s’y attachait de façon inflexible. Il était déçu par l’université, car il gardait au fond de lui ce besoin de savoir ce que l’étude des "lettres" pouvait lui apporter… il aimait les lettres et leur rhétorique ainsi que les arts (particulièrement la peinture, la sculpture et la musique). Notre camarade était de ceux que l’on gratifie de "cultivé", et c’était un grand plaisir que de refaire le monde avec lui… !
Pratiquement présent à toutes nos réunions annuelles, en août dernier il a renoncé aux Pyrénées devant l’aggravation de son état, et il gardait au fond de lui même ce regret de ne pas avoir pu faire ce qu’il appelait "peut-être ma dernière participation" …
Amoureux de la mer et de l’Italie, Jérôme, tu as souhaité que tes cendres soient dispersées sur l’île de Palmarola, au large de Naples.. C’est un peu loin pour nous, mais nous t’y accompagnerons par la pensée, heureux de savoir ton dernier vœu exaucé, et nous partagerons tes souvenirs avec Andrée ton épouse, ainsi qu'avec Cécile ta fille, et sa famille.
Nous garderons pour nous cet exemple inoubliable de ténacité et d’espoir que tu nous laisses.
Pierre Galabert aidé par Pierre David
Poème à Jérôme